Orchestre Métropolitain
Crédit photo : Antoine Saito
Crédit photo : Antoine Saito
Louise Edith Vignola - 6 février 2024

Yannick Nézet-Séguin : les grands esprits musicaux se rencontrent

Son nom est sur toutes les lèvres, encore plus depuis qu’il a remporté son quatrième Grammy en carrière pour l’album Blanchard: Champion, composé par Terence Blanchard et interprété par The Metropolitan Opera. Yannick Nézet-Séguin vit entre les États-Unis et le Québec depuis plus de dix ans, mais ce printemps, l’heure est aux présentations entre ses deux familles musicales. Le directeur artistique et chef principal de l'Orchestre Métropolitain répond à nos questions!   

 

L’Orchestre Métropolitain (OM) prendra la route des États-Unis, invité à se produire au prestigieux Carnegie Hall le 6 mars. Qu’est-ce que ça représente pour les musiciens? 

 

Yannick Nézet-Séguin: Une invitation à Carnegie Hall, ça ne se refuse pas! Ce sera la deuxième tournée aux États-Unis pour l'Orchestre, qui a commencé à en faire en Europe en 2017.  Dans ses tournées, l’Orchestre Métropolitain obtient un succès foudroyant qui rejaillit sur Montréal. Les publics de partout sont charmés par la personnalité unique de l’Orchestre dans le milieu culturel mondial.  

 

Nous pourrons enfin rencontrer votre famille américaine, l’Orchestre de Philadelphie, le 19 avril prochain à la Maison symphonique. Pourquoi s’agit-il d’une occasion à ne pas manquer? 

 

Y. N.-S.: L’Orchestre de Philadelphie est l’un des plus grands orchestres du monde (l’un des « Big Five »). C’est très rare qu’on ait l’occasion d’entendre un de ces ensembles à Montréal.  

 

Le programme est à l’image de ce que cet orchestre fait de mieux : une symphonie de Florence Price, compositrice dont on a enregistré deux symphonies sur un album qui nous a valu un Grammy en 2022, ainsi que la Symphonie No 2 de Rachmaninov, pour laquelle le compositeur avait en tête le son caractéristique de l’Orchestre de Philadelphie quand il a composé cette œuvre au début du XXe siècle.  

 

Qu’est-ce qui fait la renommée de l’Orchestre de Philadelphie?  

 

Y. N.-S.: Le fameux « Philadelphia sound » caractérisé par la richesse de ses sections de cordes. L’Orchestre de Philadelphie a marqué l’histoire de la musique symphonique. Il a eu à sa tête les plus grands chefs du monde – Eugène Ormandy, Leopold Stokowski, Riccardo Muti – et leurs enregistrements avec eux sont devenus des références. 

 

Cet orchestre a aussi contribué à démocratiser la musique symphonique, entre autres en enregistrant la trame sonore du film Fantasia de Disney et en participant à la toute première télédiffusion nationale d’un concert symphonique à CBS.  

 

Comment a évolué votre relation avec les musiciens de l’Orchestre en 12 ans? 

 

Y. N.-S.: Dès mes débuts, ce fut le coup de foudre entre les musiciens et moi. Notre chimie est tellement forte qu’on y a bâti pour aller plus en profondeur et faire évoluer la palette sonore. Sous ma responsabilité depuis douze ans, l’Orchestre est de retour à la qualité et au lustre du son d’autrefois, appliqué à une plus grande variété du répertoire, notamment du répertoire contemporain. 

 

Vous laissez occasionnellement la place à d’autres pour diriger l’OM, comme Nicolas Ellis, dont la carrière s’envole. Y a-t-il un esprit de communauté chez les chefs? 

 

Y. N.-S.: C’est une grande fierté pour moi de voir Nicolas s’épanouir, après l’avoir vu évoluer pendant les dernières années alors qu’il était collaborateur artistique à l’OM. Celle qui lui succède, Naomi Woo, va certainement connaître la même ascension. Je la connais depuis quelques années, comme elle a fait partie de l’Académie de direction d’orchestre que l’OM a lancée pour permettre aux jeunes chefs de progresser et d’acquérir de l’expérience. C’est un projet qui me tient à cœur, car j’aime beaucoup guider la future génération. L’Académie donne l’occasion d’échanger et de s’épauler. Comme chef, on est toujours entouré de musiciens, mais on côtoie peu de gens qui partagent le même métier que nous. L’Académie contribue à créer cet « esprit de communauté ». 

 

Présentez-nous la cheffe Glass Marcano qui dirigera l’OM lors du spectacle Sous le soleil de Marcano en mai et parlez-nous de l’importance pour vous de faire de la place aux femmes.  

 

Y. N.-S.: Ceux et celles qui assisteront au concert qu’elle dirigera le 17 mai à l’OM seront très fiers dans quelques années de dire qu’ils ont assisté aux débuts de cette grande cheffe d’orchestre. 

 

Son histoire est presque un conte de fées. Elle a étudié la musique dans le programme El Sistema du Venezuela et s’est inscrite à La Maestra à Paris, un concours de direction d’orchestre destiné uniquement aux jeunes femmes. Après avoir franchi un lot d’obstacles pour payer son inscription et se rendre en France, en pleine pandémie, elle a remporté le Prix spécial de l’orchestre. 

 

À mon avis, on ne peut pas simplement attendre qu’il y ait autant de femmes que d’hommes qui exercent ce métier, on doit bousculer les choses. Les jeunes musiciennes doivent voir des cheffes sur le podium pour envisager une carrière en direction.  

 

Avec tous vos engagements, votre horaire doit être un casse-tête... Comment faites-vous pour concilier tous vos rôles ?  


 
Y. N.-S.:
Si je prends un jour ma retraite, je vais bannir le mot « horaire » de mon existence! Je crois que le secret pour réussir à tout concilier, c’est d’être dans le moment présent. C’est comme ça que je peux me concentrer vraiment sur ce que j’ai à faire. Si je pensais à tout ce qui s’en vient ou si je ressassais le passé, je ne pourrais jamais y arriver. Il faut aussi être très bien entouré… et je le suis.

 

Vous avez touché au cinéma et à la danse dans la dernière année, y a-t-il d'autres collaborations à entrevoir? 

 

Y. N.-S.: Ça fait partie de l’ADN de l’OM de s’associer à d’autres formes d’art. C’est souvent un défi d’apprendre à conjuguer nos différentes sphères, mais on en sort toujours grandi, nourri artistiquement.  

 

Je ne peux pas trop donner de détails, mais disons qu’il y a un beau partenariat avec le théâtre qui s’en vient… Entre autres. 

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