« C’est quoi votre rêve le plus fou? Devenir le meilleur dans votre domaine? Vous mettre en super forme? Vous débarrasser de votre dépendance à la bouffe ou à votre téléphone? Pensez-y quelques secondes… Vous le voyez ce rêve-là? Il est juste là, au bout de vos doigts... Êtes-vous prêts à le réaliser? » lance la fondatrice d’Essor, la Québécoise Éliza Williams.
La boîte, son invention révolutionnaire développée à Silicon Valley, permet aux humain·es de se débarrasser de leurs réflexes conditionnés, vestiges de leurs traumas passés, pour « optimiser » leur vie. C’est un grand jour. Mais dans ce futur proche, 30 000 personnes sont massées à la frontière dans l’un des nombreux camps nord-américains de réfugié·es supervisés par des entreprises privées, et rêvent aussi d’une existence meilleure. Parmi elles, il y a Andrés, Tendaji et Laïla, qui traitent 10 heures par jour des milliers de données pour entraîner les algorithmes de cette boîte dite intelligente. On le sait : la course vers une humanité hyperperformante ne fera pas que des gagnant·es.
Depuis La meute, nous attendions avec impatience la nouvelle création de Catherine-Anne Toupin, issue de sa résidence d’écriture chez Duceppe. Elle nous offre aujourd’hui un thriller dystopique, aussi prenant qu’audacieux : « Lorsque la réalité dans laquelle nous vivons dépasse la fiction, la dystopie me semble le meilleur moyen d’aborder des enjeux d’actualité ». Boîte noire embrasse plusieurs sujets chauds : les mirages de l’optimisation de soi, la déshumanisation et le narcissisme induits par la technologie, les inégalités sociales qui se creusent et le défi planétaire de l’immigration. Se déployant dans une scénographie hypnotisante, ce spectacle haletant emprunte certains codes au cinéma de science-fiction pour créer sur scène une expérience envoûtante. Pièce prodigieusement ambitieuse, Boîte noire est une proposition unique dans le paysage théâtral québécois.