Kim O’Bomsawin : raconter pour rassembler
La sociologue, cinéaste, documentariste et scénariste abénakise Kim O’Bomsawin sera commissaire de la prochaine édition de Micro ouvert autochtone. En cette Journée nationale des peuples autochtones, nous vous invitons à faire plus ample connaissance avec cette créatrice d’une profonde humanité.
Question : Qu’est-ce qui vous a mené à la réalisation documentaire dans votre parcours?
Kim O’Bomsawin : Je n’ai pas étudié en cinéma. J’ai fait un baccalauréat et une maîtrise en sociologie à l’UQAM. Mon ambition à l’époque était d’utiliser mon métier pour mieux faire connaître les Premières Nations. Je pensais le faire à travers l’enseignement au cégep. Et puis, un peu par hasard, on m’a proposé de participer à une série documentaire diffusée sur la chaîne APTN. Intitulée La Cité, elle s’interrogeait sur les façons de rester proche de ses racines en vivant en ville, en suivant huit Autochtones qui habitaient à Montréal.
Ça a été mon premier contact avec l’univers du documentaire. Dès le premier tournage, le rôle du réalisateur – occupé par Guillaume Lonergan (qui a récemment réalisé la série Empathie) – m’a vraiment interpellée. J’ai tout de suite compris le pouvoir qu’on a en tant que réalisateur : celui d’entrer dans le salon des gens, de joindre un public à travers la télé ou le cinéma. Je considère que c’est l’un des plus beaux hasards de ma vie!
Q. : Donc, il y a un lien évident entre le documentaire et la sociologie?
K. O. : Ce sont des compétences qui se transposent très bien. Tout ce qui est technique, ça s’apprend « sur le tas ». Mais, faire du documentaire, c’est savoir analyser des enjeux complexes et les rendre accessibles, que ce soit dans une thèse ou un film. Le format change, mais l’objectif reste le même. Mes études m’ont donc été très utiles.
Q. : Vous êtes aussi présidente d’une boîte de production?
K. O. : Oui! Depuis cinq ans, je dirige Nikan Productions – auparavant Terre Innue – qui a connu une croissance importante; nous avons plein de projets! Ce que j’aime dans la production, c’est que j’ai la chance d’accompagner d’autres créateurs, de leur offrir l’espace pour s’exprimer et raconter leurs histoires. Et à ce stade de ma carrière, ça me nourrit énormément.
Au départ, on faisait de la place au contenu autochtone un peu par obligation – une case à cocher pour les bailleurs de fonds ou les diffuseurs. Aujourd’hui, on a prouvé qu’on pouvait faire des productions audiovisuelles de qualité, qui sont compétitives avec le reste de l’industrie. Et maintenant, il y a un véritable appétit pour ce qu’on fait. C’est incroyable de pouvoir être aux premières loges de cette transformation.
Q. : Est-ce que ce devoir de transmission se reflètera aussi dans votre rôle de commissaire de Micro ouvert autochtone?
K. O. : Micro ouvert, je l’ai vu évoluer de loin au fil des années, et je trouve ça incroyable que la Place des Arts offre autant d’espace aux Premières Nations. C’est une chance inouïe! Je compte bien utiliser cette tribune pour investir tous les espaces et continuer le travail entamé par d’autres : montrer qu’on n’est pas là « parce qu’il le faut », mais parce qu’on a du talent. C’est ma mission, et je la prends très au sérieux.
La programmation est en développement, c’est certain que je souhaite qu’il y ait une belle place pour l’audiovisuel – c’est mon domaine d’expertise –, en plus des prestations musicales, de la littérature, etc. L’esprit de fête va rester! Le travail est déjà commencé : le thème de cette année sera Langues et territoires. Parce que les langues autochtones sont bien plus que des mots. Elles portent des visions du monde, des philosophies, des façons d’être en territoire. Moi, je viens d’un peuple – les Abénakis – qui a presque perdu sa langue. Aujourd’hui, on dit que la langue abénakise est en revitalisation. Elle n’a jamais été autant apprise et enseignée. Moi-même, je me donne comme objectif de pouvoir m’exprimer dans ma langue d’ici mes 50 ans.
Q. : Comment revitalise-t-on une langue presque disparue?
K. O. : Petit à petit. Il restait quelques locuteurs, qui ont enseigné à d’autres… et ces élèves enseignent aujourd’hui à leur tour. C’est un travail de longue haleine, mais on n’a pas dit notre dernier mot; nous sommes très résilients!
Q. : Et en culture, qu’est-ce qui vous passionne? Avez-vous des suggestions pour nous?
K. O. : Je suis d’abord sociologue, donc l’artiste en moi est arrivée plus tard. Mais je suis très curieuse et je m’intéresse à tout. Le cinéma, c’est ce que je connais le mieux. Et la musique, bien sûr. On a une immense richesse musicale.
Lire un recueil de poésie de Joséphine Bacon ou de Marie-Andrée Gill, aller au cinéma, assister aux festivals d’été, comme le Festival international Présence autochtone, mais aussi les Francos et le Festival international de jazz de Montréal qui programment de plus en plus d’artistes autochtones. Les pow-wow, comme celui de Kahnawake qui est impressionnant, sont aussi des incontournables auxquels il faut prendre part. C’est pour tout le monde; il ne faut pas être gêné d’y aller!
Q. : Quels sont les projets à surveiller dans vos prochaines productions?
K. O. : On termine un film documentaire sur Florent Vollant (Florent Vollant : Innu), et on produit aussi un film d’animation immersif en 360° pour le Planétarium, autour du thème des astres, des songes et du territoire. Ça va sortir en mai 2026.
Mon plus récent film – Ninan Auassat : Nous, les enfants – est disponible sur le site de l’ONF, alors que They are Sacred – qui porte sur la relation entre un père et son fils autiste – sera présenté en salle à l’automne.

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